Être Christ ou Sauveur?

« Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale que d’être bien adapté à une société malade. »

J. Krishnamurti

Cette citation fût déterminante dans ma Vie à me guider vers un retour à la santé. Sauf qu’aujourd’hui, je la vois d’un angle complètement différent de la façon dont je l’avais à prime abord perçue.

Un angle que j’ai l’élan de partager avec vous.

Au départ, cette phrase fût une sorte de coup de poing en plein visage à me faire voir l’espèce de psychose collective dans laquelle j’étais en train de lentement mais sûrement sombrer. Elle m’a fait voir que je n’étais ni meilleure mais ni pire non plus que tous les gens qui m’entouraient. Me percevant à l’époque comme la source de tous les malheurs et les drames qui se jouaient dans ma Vie, les miens comme ceux des autres, elle a soutenu et porté cette sortie du rêve et des toutes les histoires qui se racontaient, dont je venais de soudainement prendre conscience.

En fait, au départ, elle fût un dur rappel à la réalité.

Qui alimenta un premier pas de recul à l’égard du cirque. Qu’il s’agisse de mon cirque intérieur ou celui qui était là à s’observer à « l’extérieur ». Un immense pas de recul et une sorte de planque aussi, où je pus prendre un peu de recul et de repos aussi face à ce que je percevais alors être « moi ».

Mais lorsque la Vie me ramena dans la mêlée, cette « société malade » n’était pas disparue pour autant… Le fait que j’aille retrouvé la santé, me soit sevrée de cette béquille qu’était la médication, une béquille qui m’empêchait de pleinement vivre et ressentir, ne changeait rien à la situation. Au contraire!

Être immergée de nouveau dans le bain rendait les choses qu’encore plus inconfortables. Ressentant plus vivement et plus crûment qu’avant, le questionnement est rapidement venu sur le « comment » je pourrais vivre dans le chaos et la souffrance de ce monde. Un chaos bien couvert sous des apparences superficielles de bonheur factice.

Comment me sortir de ce que je percevais alors comme une sorte d’impasse dont je sentais maintenant le corps être un acteur impuissant? Impuissant à ne plus pouvoir se protéger et se prémunir d’un vécu qui ne se vivait plus comme séparé et isolé de tout le reste.

La réponse est venue d’elle-même, lorsque le passage s’est fait.

Un passage qui m’a conduit du jugement au discernement.

Chaque tension, chaque ressenti, chaque mouvement intérieur est soudainement devenu un écho, une sorte de note de musique. Qui me rappelait à une mélodie, un chant déjà connu. Ce vécu de ce qui avant était « autre » devant moi, devenait « mien ». Me rappelant à chaque fois à une expérience vécue, une situation rencontrée ou un état expérimenté. Il est alors apparu que ce qui avant en « jugeait », ne pouvait plus se maintenir mais était à transiter vers un autre regard. Un regard nouveau naissait et avec lui, une compréhension nouvelle.

Quelque chose intérieurement qui disait: « Ah oui! Je connais cela. Je l’ai déjà vécu et je me souviens que je me sentais comme ceci en raison de cela. ». Je goûtais dans la rencontre de l’autre et de son « histoire », les relents de ma propre histoire, encore présente pour me rappeler que je ne pouvais plus juger de celle-ci, que je ne pouvais plus juger de nos histoires. Mais au contraire, profondément les comprendre. Pour avoir vécu et pleinement expérimenté cela moi aussi.

L’erreur fût alors de vouloir le faire « voir » à cet « autre », là, devant moi…

La Vie se chargea de me montrer très rapidement que chacun/e possède son rythme et son « temps » pour se dévoiler et se révéler à lui/elle-même. Que de vouloir « forcer » cela, même si c’est fait avec les meilleures intentions du monde, ne fait que se retourner contre nous.

À ce moment, là aussi je me suis souvenue. Souvenue de toutes ces leçons de sagesse que tentait de m’inculquer ma mère, en un temps où moi non plus je n’étais pas prête à les recevoir. Parce que je devais vivre et expérimenter par moi-même. Je me suis souvenue comment son « acharnement » de l’époque, pourtant bien attentionné et porté par l’Amour le plus pure, soit celui qu’une mère porte à son enfant, n’a fait que m’éloigner d’elle et faire grandir un sentiment, au fil du temps, qu’elle ne « me comprenait pas et ne me supportait pas ».

Je me suis souvenue aussi que rendu à un moment donné, elle a simplement cessé de parler et de vouloir prodiguer ses conseils. C’est là que j’ai pleinement pris la mesure de ce que cela avait dû lui faire vivre. De tous les sentiments que cela a dû lui faire rencontrer.

Pour voir finalement, que ce n’était qu’un seul et même vécu, une seule et même souffrance, que nous partagions et faisions résonner d’un corps à l’autre. Nous maintenant dans un lien d’attachement qui ne pouvait faire circuler l’Amour mais au contraire, l’endiguait parce qu’il tentait d’en contrôler le flux.

J’ai alors lâché.

Lâché toute tentative de vouloir expliquer, enseigner ou montrer.

J’ai laissé la Vie être et simplement continué de suivre le mouvement qui me porte au partage, sans rien forcer. J’ai laissé la Vie être, en moi, à l’extérieur de moi. Parce que je voyais bien qu’une telle séparation n’existait pas, je ne pouvais que dire oui à tout, y compris à cette résonance en moi qui me faisait tout ressentir très intensément.

J’ai lâché prise sur mon dernier attachement, celui qui causait la plus grande de toutes les souffrances.

Cet attachement qui était en fait une volonté. La volonté de vouloir mettre fin à la souffrance. Que ce soit la mienne ou celle de l’autre.

J’ai laissé aller le « Sauveur » en moi.

Un « Sauveur » qui existe en nous tous/toutes.

En chacun de nous réside un « Christ », un archétype de sauveur qui porte des qualités intrinsèques d’un Amour Plus Grand, mais également une ombre importante.

En chacun de nous existe une part qui veut mettre fin à la souffrance. Ne pas la ressentir, ne pas la vivre. Mais qui aspire à mieux que cette souffrance, si ce n’est que l’Amour lui-même?

Donc, lorsque la spiritualité moderne nous parle d’Amour, d’Amour inconditionnel ou d’Amour Christique, ou encore de Mère Divine et autres figures symboliques qui se rattachent à cette qualité d’Amour plus large, plus vaste et plus compatissant, retenez toujours que derrière ces symboliques existe également une part d’ombre qui demande à être vue.

Qu’il s’agit d’une médaille où l’on aime bien qu’à vous présenter un seul visage sans vous parler trop trop de l’autre

Celui qui veut prendre charge de cette souffrance, la porter sur ses épaules. Ou encore celui qui veut vous imposer sa vision, sa compréhension et demeurer à quelque part ce parent qui cherche à contrôler et/ou orienter d’une façon parfois très subtile, le flux de la Vie en vous.

Celui qui veut être vu et reconnu par l’autre.

Ou, finalement, ce visage qui ne vous montre qu’un côté sirupeux déguisé sous des « allures Divines », qui vous éloigneront de la réalité de ce monde, plutôt que de vous en rapprocher et vous faire voir la richesse qu’il y a à pleinement vivre la Vie qui nous est donnée.

Si ceux et celles qui vous parlent d’Amour en spiritualité ne vous font pas voir ces visages, ils ne vous pointent pas l’essentiel et vous font miroiter un « amour en plastique » comme dirait une sage et amie. Si elle lit cet article, je sais qu’elle se reconnaîtra et je la salue bien bas.

La « maladie » de nos sociétés, s’il en est une, c’est de vouloir mettre fin à la souffrance. Si nous pouvions voir dès maintenant que c’est cette volonté persistante qui fait perdurer celle-ci, créant malgré nous un attachement malsain à la souffrance, alors nous pourrions aspirer à autre chose que cela, et ouvrir une autre perspective sur notre expérience.

En chacun de nous existe un enfant qui a voulu « sauver » ses parents. Prendre sur eux les parts d’ombre qui se sont manifestés chez eux dans leur façons de nous éduquer, mais aussi mal compris la nature de certains de leurs enseignements.

Il faut voir qu’il y avait également une inexpérience, une ignorance et une innocence à faire cela comme enfant. Que si nous l’avons fait, c’était intrinsèquement, pour être aimé de ceux-ci.

Toujours c’est l’Amour qui tentait d’aimer et d’éduquer, au meilleur de ses capacités, et l’Amour qui tentait d’aimer et d’être aimé, encore une fois au meilleur de ses capacités, de son degré de compréhension et d’expérience.

Tous les acteurs dans cette pièce sont ignorants du fait que tout se vit et s’expérimente d’une seule et même dimension et c’est pourquoi nous ne pouvons pas en juger mais seulement acquérir une profonde compréhension qui changera notre regard sur la situation.

L’amour en plastique n’en demeure pas moins de l’Amour!

Un Amour qui n’a pas encore cheminé suffisamment pour y inclure la sagesse nécessaire à se voir et s’accueillir plus largement. Or, cette sagesse ne peut s’acquérir que par le vécu et pas autrement.

Si nous allions à la rencontre de cet enfant souffrant encore présent en chacun/e, nous nous donnerions la chance de voir la sagesse du véritable Amour qui se cache derrière. Celui qui s’offre et est toujours là, mais qui jamais ne s’impose. Chaque expérience, les bonnes comme les moins bonnes sont contributives à faire croître la sagesse en nous.

Lorsqu’il est vu que tout est toujours expérimenté à partir d’un espace qui ne pose pas ce regard qui consiste à « particulariser » les expériences, en cherchant seulement celles qui nous plaisent, sont faciles et/ou confortables, alors là mais seulement là, l’Amour peut se voir et se reconnaître dans toute sa potentialité.

Il n’y a rien de Divin là-dedans. Au contraire, il y a là, la reconnaissance du potentiel de grandeur de notre humanité et l’accès en celle-ci à un vécu complètement différent.

Plus que jamais on nous pousse actuellement à l’isolement et au confort. On nous éloigne les uns des autres derrière des écrans, on nous place dans des bulles de plastique virtuelles où tout est fait pour nous éloigner de cette rencontre avec l’autre, qui est le terreau fertile où peut croître l’Amour.

L’Amour croît à travers la relation et pas autrement. Et tant que nous refuserons d’aller réellement à la rencontre de l’autre, avec toutes les parts de difficultés que cela comporte, nous pourrons bien parler de l’Amour du soir au matin, mais nous nous refusons à réellement l’expérimenter.

Malheureusement c’est comme cela et il ne sert à rien de s’en offusquer ou y résister. Tout au plus nous pouvons pointer, comme je le fais, avec le « risque » que cela créer de l’opposition et ne soit pas accueilli. Mais comme l’Amour est également rempli de courage, il y a un accueil à cela aussi. Avec le temps, on comprend de plus en plus la pertinence à être simplement en écoute du vécu de l’Instant et de ne s’impliquer qu’au besoin.

Ce qui veut dire bien souvent, seulement lorsque notre avis est sollicité… 😅

Cela s’applique à notre vécu tout autant qu’à celui de l’autre. En nous existe aussi un espace qui n’est pas toujours prêt à se voir et se goûter. De cela nous devons être conscient afin de pouvoir adopter en toutes circonstances, la bonne posture.

Une posture où on passe du jugement au discernement.

Il nous faut quitter ces postures où nous jouons à « comprendre, connaître et savoir », parce que celles-ci nous placent en « juge » de nous-même ou de notre prochain. En nous existe un espace qui « écoute et accueille » dans le plus respectueux des Silences. Un espace qui s’offre plus qu’il se vend. Un espace qui s’ouvre plus qu’il choisi, préfère ou sélectionne. C’est là qu’il faut savoir se positionner.

Nous avons tous/toutes beaucoup à offrir.

Mais nous n’avons personne à convaincre, rien de « particulier » à vendre, pas plus qu’à imposer notre richesse intérieure. Au contraire, il faut savoir continuer de l’entretenir et la faire fructifier. La véritable richesse ne repose pas sur notre visibilité, notre succès ou nos richesses matérielles. Elle repose sur la sagesse intrinsèque qu’il y a dans chacun de nos cœurs.

Dans cet espace qui sait aussi faire confiance.

Faire confiance à Ce qui Est.

À Ce qui Est toujours là en chacun et chacune et qui saura, le moment venu, s’auto-révéler vers un vécu autre.

Un vécu qui ne sera pas dénué de difficultés ou d’inconforts, mais simplement un vécu qui se vivra et se goûtera autrement.

2 réponses à “Être Christ ou Sauveur?”

  1. Tu sais, comme bien des gens de mon âge, lorsque j’étais dissipé, ma mère menaçait de me vendre au cirque. Je ne voyais pas cela comme une menace, l’idée m’excitait, au contraire. Et puis un jour, les années passent, et on se rend compte qu’on est vraiment prisonnier d’un cirque effrayant et il ne nous reste plus qu’à faire le clown ou fuir. Se libérer. Bonne journée!

  2. merci pour l’eclairage’l enfant essaie de sauver ses parents’🙃 bonne journée

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